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Quels sont les risques d'embaucher un auto-entrepreneur ?

Sommaire

Depuis 2008 le nombre d’indépendants en France a augmenté de façon exponentielle. L’explication de cette tendance se trouve dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, laquelle a acté la création du statut d’auto-entrepreneur (aussi appelés micro-entrepreneurs aujourd'hui).

Cette évolution législative a donc permis l’augmentation du nombre de contrats de prestation, notamment pour l’externalisation de prestations intellectuelles (mais pas seulement, nous le verrons).

Les entreprises n’hésitent plus à collaborer avec des auto-entrepreneurs lorsqu’elles manquent de ressources en interne pour le projet. Elles font ainsi appel à un expert dans le domaine, lequel est opérationnel immédiatement. Cette option leur offre un gain d’efficacité important et une flexibilité financière non négligeables. Fini les processus de recrutement longs et coûteux pour des missions à durée déterminée.

Mais attention le recours aux freelances peut engendrer quelques risques qu’il convient d’anticiper. Faisons le point ensemble.

Trop d’auto-entrepreneurs : le risque syndical

L’un des premiers risques pour votre activité est d’ordre syndical. Un recours trop fréquent et trop massif à des micro-entrepreneurs peut être mal perçu par vos employés.

Travailler avec des indépendants se justifie si vous n’avez pas les ressources en interne pour effectuer le travail. En revanche, les premières plaintes de vos salariés apparaîtront lorsque vous sous-traiterez une même tache régulièrement, qui pourrait finalement être internalisée. Ils vous reprocheront de ne pas vouloir investir et recruter quelqu’un à temps plein pour le poste.

Le risque s’accroît encore si vous décidez d’embaucher des auto-entrepreneurs pour des activités qui étaient jusqu’à présent exercés sous le régime du salariat, comme des plongeurs ou des serveurs dans la restauration, des auxiliaires de vie en maison de retraite, des manutentionnaires ou des caissiers dans un supermarché.

Ils ressentiront cette pratique comme le résultat d’une volonté de réduction de la masse salariale. Ils se sentiront en danger pour leur poste et cela pourrait affecter leur moral, et donc leur productivité.

Attention alors à ne pas trop en abuser sous peine de devoir gérer un mécontentement de vos salariés, voire de possibles blocages sociaux qui pourraient s’avérer très préjudiciables pour le chiffre d'affaires de votre activité et pour son image.

Des auto-entrepreneurs précaires : un risque pour votre image

Votre image de marque peut aussi se retrouver fortement dégradée.

En faisant appel massivement à des auto-entrepreneurs pour des postes autrefois sécurisés en CDI, vous pouvez être perçu comme participant à la précarisation de ces activités. On vous reprochera de les payer moins cher qu’un salarié en interne, de favoriser un statut qui offre moins de protection sociale et aucune limite d’horaires.

Les médias et journalistes n’hésitent plus à afficher sur la place publique les entreprises qui en abusent. De nouveaux articles sortent régulièrement pour les épingler. Ce fut le cas en 2020 lorsque Streetpress a dévoilé le scandale des caissiers indépendants embauchés par Monoprix et Franprix notamment.

Le potentiel de viralité étant exponentiel de nos jours, veillez à ne pas vous retrouver mêlé à un scandale de ce type.

Enfin, lorsque ces pratiques abusives sont révélées au grand jour, vous vous exposez à ce que la justice y regarde de plus près.

Des auto-entrepreneurs assimilés salariés : le risque de requalification juridique

Une collaboration avec un auto-entrepreneur peut, sous certaines conditions, être qualifié de travail dissimulé, voire être requalifié en contrat de travail.

Avant toute chose, et pour bien comprendre le sujet que nous allons aborder, revenons sur les deux types de contrat qui existent aujourd'hui dans le monde du travail.

Comprendre le contrat d’auto-entrepreneur

On distingue les contrats qu’on appelle de droits communs (ceux que vous concluez avec vos partenaires commerciaux, vos sous-traitants, etc.), de ceux qu’on appelle contrat d’adhésion (les contrats de travail que vous faites signer à vos salariés).

Le premier est un contrat de prestation, dans lequel les deux parties ont le pouvoir de négocier les termes et conditions.

Dans le second, les clauses du contrat sont fixées unilatéralement par l’entreprise (horaires et lieu de travail, statut, modalités, etc.).

Un contrat est qualifié de contrat d’adhésion lorsqu’il réunit trois critères cumulatifs :

  • l’existence d’une prestation de travail
  • le versement d'une rémunération en échange
  • l’existence d’un lien de subordination

Attention au lien de subordination

Certains freelances peuvent être considérés comme des salariés au regard de la loi s’il existe des preuves justifiant ces 3 caractéristiques.

Lorsque vous travaillez avec un auto-entrepreneur, vous réunissez de facto les deux premiers critères. Vous lui demandez la réalisation d’une prestation, et vous le rémunérez pour cela.

C’est le 3ème critère, le lien de subordination, qui va être crucial ici.

Si un lien de subordination existe, il peut être utilisé pour renverser la présomption de non-salariat, et ainsi déterminer l’existence d’un contrat de travail.

Ce lien pourra être prouvé si :

  1. Les conditions de réalisation ont été imposées et qu’aucune négociation n’a été possible. Si le juge peut prouver que l’employeur a fixé les conditions de travail de manière unilatérale, il en déduira l’existence d’un lien de subordination envers l'auto-entrepreneur et requalifiera le contrat en contrat de travail.
  2. Les clauses du contrat sont abusives et trop contraignantes, par exemple :
  • Horaires fixés
  • Clause de non-concurrence
  • Cession des droits d’auteur
  • Interdiction d’exploitation ultérieure des créations
  • obligation d’un statut particulier
  • Etc.

Les risques encourus

Si votre collaboration avec l’auto-entrepreneur se révèle être un travail salarié, vous risquez d’être accusé de travail dissimulé. Il s’agit d’un délit passible de 5 ans d’emprisonnement et de 225 000 € d’amendes.

C'est ce qui est arrivé à la société Deliveroo, reconnue coupable de travail dissimulé entre avril 2015 et septembre 2016.

De plus, le contrat de prestation peut se voir requalifié en contrat de travail. Dans ce cas, vous serez condamné à devoir verser à votre partenaire des rappels de salaires, des heures supplémentaires, des primes, des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, etc.

De plus, si vous mettez un terme au contrat avant la requalification, vous vous exposez à des indemnités supplémentaires pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse.

Bref, cela pourrait avoir un impact non négligeable sur votre chiffre d'affaires et votre activité. Prenez des dispositions pour vous en prémunir.

Comment se prémunir du risque juridique ?

Pour vous aider, voici quelques précautions à suivre pour collaborer avec des auto-entrepreneurs et éviter une requalification en contrat de travail.

Ne pas imposer de conditions de travail à l'auto-entrepreneur

Laissez de l’autonomie et de la marge de manœuvre à l'auto-entrepreneur. Il doit être seul responsable de son organisation, de ses horaires, de son lieu de travail et de la façon dont il exécute son activité.

Toute condition de travail mise en place unilatéralement par votre entreprise - même des choses qui peuvent paraître insignifiantes de premier abord comme l’organisation d’un planning ou de dates de réunions sont des pratiques qui réduisent l’autonomie de l’auto-entrepreneur.

Rédiger un contrat de prestation rigoureux

Rédiger et faire signer un contrat en bonne et due forme vous permet d’apporter la preuve qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail.

Voici les mentions indispensables à faire apparaître dans votre contrat de prestation :

  • L’objet du contrat
  • Les missions à exécuter
  • Les conditions d’exécution des missions
  • L’identité du prestataire auto-entrepreneur
  • Les délais de livraison des missions

C'est une partie à ne surtout pas prendre à la légère. Nous vous conseillons vivement de vous faire accompagner par des spécialistes juridiques.

Vérifier l’immatriculation de l'auto-entrepreneur

Le Code du travail prévoit une présomption simple de non-salariat concernant l’auto-entrepreneur inscrit à l’un des registres permettant l’immatriculation d’une activité (registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux, etc).

Pensez donc à demander un document qui prouve son enregistrement auprès de l’administration, comme un extrait Kbis par exemple.

Dans le cadre d’un contrat dont le montant est supérieur à 5 000€, vous devrez aussi vérifier, au moment de la signature, puis tous les six mois ensuite, que l’auto-entrepreneur est à jour de la déclaration et du paiement de ses cotisations et de sa TVA. Pour cela, il devra vous fournir une attestation de vigilance URSSAF.

Veiller à la dépendance économique de l'auto-entrepreneur

Faites attention à ce que vos prestataires auto-entrepreneurs ne dépendent pas seulement de votre entreprise.

Un prestataire qui travaille en tant que travailleur indépendant et dont son chiffre d’affaires ne dépend que d’un client peut être assimilé à un salarié.

La dépendance économique de l’auto-entrepreneur est un indice supplémentaire qui permet à la justice de confirmer l’existence d’un lien de subordination entre les parties.

Distinguer les auto-entrepreneurs de vos salariés

Accordez un traitement différent à vos partenaires auto-entrepreneurs pour éviter qu’ils ne soient assimilés aux salariés de l’entreprise.

Voici quelques bonnes pratiques à suivre :

  • Leur créer des adresses mails spécifiques
  • Ne pas les inclure dans l’organigramme
  • Ne pas leur donner de cartes de visite au nom de l’entreprise
  • Ne pas les inviter à tous vos événements internes
  • etc.

Vous hésitez à faire appel à un auto-entrepreneur ou à un intérimaire ? Faîtes le bon choix grâce à notre guide 👇

   

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